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 Argumentaire

 

 

Pour qui aborde les phénomènes musicaux en s’armant des outils de la sociologie des arts et de la culture, les travaux de Pierre Bourdieu sont aujourd’hui devenus quasi incontournables – qu’il s’agisse de les prolonger, de les infléchir ou de rompre avec eux. Pour autant, et bien que le problème précis des goûts musicaux ai été fort débattu dans le cadre des études sur les pratiques culturelles (qu’on pense aux travaux d’Antoine Hennion, Philippe Coulangeon, Bernard Lahire, Hervé Glevarec, etc.), aucun véritable bilan de la contribution apportée par Pierre Bourdieu à l’étude du domaine musical n’a été dressé. Bien qu’ayant une connaissance approfondie de la technique et de l’histoire musicales, Pierre Bourdieu a luimême beaucoup moins insisté sur l’objet musique que sur la littérature (cf. son ouvrage Les règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire) ou la peinture (cf. ses cours au Collège de France consacrées à Manet entre 1998 et 2000). Et pourtant sa réflexion théorique s’est parfois appuyée sur des métaphores musicales suggestives – « orchestration » des habitus, les enchaînements rituels comme « modulations », etc.

 

 

Quels sont alors les apports et les limites des outils forgés par Pierre Bourdieu quant à l’étude du musical ? Que permettent-ils d’éclairer, et que laissent-ils dans l’ombre ? Leur transposabilité pose-t-elle problème au regard de la spécificité d’un tel objet ? Peut-on les articuler avec des outils proposés par la musicologie et avec l’analyse du matériau musical ? Les contributeurs à cette journée d’étude, qu’ils soient musicologues, sociologues, historiens, anthropologues, etc. tenteront d’apporter des éléments de réponse à ces questions. Dans cette optique il s’agira tout autant de porter son attention sur les pratiques musiciennes (composition, interprétation…) que d’analyser les pratiques musicales (trajectoires d’auditeurs, stratification des publics…). 

 

Les communications de cette journée d’étude du jeudi 16 avril pourront s’inscrire dans l’un ou l’autre des trois axes suivants :

 

 

 

 

 

1. LES MUSIQUES ET LA THEORIE DE LA LEGITIMITE CULTURELLE.

 

Des musiques pensées au pluriel, sur un mode horizontal et non plus vertical, voici peut être ce qui a généré chez Richard Peterson et Philippe Coulangeon les nuances apportées face aux positions de Pierre Bourdieu. Pour autant, les notions d’omnivorité et d’éclectisme des goûts et des pratiques culturelles n’amendent pas l’importance d’une question qui sous-tend d’ailleurs les travaux d’Hervé Glevarec, François Jacquet-Francillon ou encore Florence Eloy : de quelle manière la théorie de la légitimité permet-elle aujourd’hui d’aborder les goûts, les publics et les genres musicaux dont la consécration institutionnelle tend à s’étioler?

 

Comment s’intéresser aux répertoires musicaux et à leurs publics en portant, par exemple, attention aux représentations sociales et aux légitimités qui leur sont associés. Quelle est l’influence des travaux de Pierre Bourdieu sur les politiques d’enseignement de la musique et de médiation aujourd’hui ?

 

Entre culture de masse et pratique culturelle distinguée, les réflexions sur le cycle de vie des objets (telle que la rubbish theory formulée par Thompson en 1979) pourrait-elle contribuer à penser de façon plus dynamique les processus de légitimation des genres musicaux? Radio, vinyle, cd, mp3, bibliothèque interactive, comment les individus s’emparent-ils de ces supports et de ces dispositifs pour valoriser leurs pratiques ? Qu’en est-il alors des « trajectoires » et « positions » des objets étudiées par Fernando Dominguez Rubio et Elisabeth B. Silva dans les espaces de légitimité ?

 

 

 

2. LA MUSIQUE ET L’ANALYSE DE LA PRODUCTION SYMBOLIQUE

 

Dans quelle mesure la théorie des champs permet-elle d’éclairer les processus de production musicale ? Alors que se multiplient les travaux consacrés aux champs littéraires et picturaux (en France et plus encore en Allemagne) et que l’œuvre de Bourdieu a suscité un certain intérêt chez les musicologues américain/e/s tel/le/s que Jann Pasler, Victoria Johnson, Jane F. Fulcher et Thomas Ertman, le concept de« champ musical » reste relativement peu pratiqué par les sociologues ou les musicologues. La transposition du concept pour l’étude du domaine musical implique-t-elle des ajustements spécifiques ? Les conflits entre compositeurs sont-ils comparables aux conflits entre écrivains ou entre peintres ? Quelles conditions doivent-elles être remplies pour que l’on puisse parler d’autonomie relative d’un champ musical ? Il sera également intéressant de s’interroger sur la pertinence musicologique des concepts secondaires qui lui sont associés (y-a-t-il une illusio musicienne ? en quoi pourrait consister un « espace des possibles musicaux » ? etc.). En outre, la réflexion sur le travail des intermédiaires de la musique entamée à propos du champ jazzistique par Olivier Roueff peutelle être étendue à d’autres sphères musicales ?

 

 

 

3. LA SOCIALISATION MUSICALE

 

Les concepts d’habitus, d’hexis corporelle, de disposition, ou d’incorporation sont-ils opératoires lorsque l’on a affaire à des pratiques musicales ? Alors que Pierre Bourdieu déclarait dans Question de sociologie que « les expériences musicales sont enracinées dans l’expérience corporelle la plus primitive », les communications pourront s’intéresser aux processus de construction sociale des corps musiciens, à la façon dont se forment les oreilles, les émotions musicales, les techniques de jeu, les styles d’interprétation individuelle, etc. Qu’il s’agisse des musiques « savantes », du jazz ou encore des musiques improvisées ou amplifiées, comment se constituent le sens pratique des acteurs de la musique, leurs routines,leurs schèmes d’action, tant du point de vue de la production que de la réception ?

 

 

 

 

Journée d'étude du 16 avril 2015

Bourdieu et la musique

Bilan et perspectives

Université Paris-Sorbonne (Maison de la Recherche, Salle D035)

 

 

 

 

 

 

 

 

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